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Le Cardinal Fridolin Ambongo, archevêque de Kinshasa, président du Symposium des conférences épiscopales d'Afrique Madagascar (SCEAM) et membre du C9; au cours d'un point de presse dans la Salle de presse du Saint-Siège. Le Cardinal Fridolin Ambongo, archevêque de Kinshasa, président du Symposium des conférences épiscopales d'Afrique Madagascar (SCEAM) et membre du C9; au cours d'un point de presse dans la Salle de presse du Saint-Siège. 

Cardinal Ambongo: la synodalité est un kairos pour l’Église

Au terme de la seconde session du synode sur la synodalité, le Cardinal Ambongo exprime sa satisfaction pour l’aboutissement de ce processus laborieux et pour la publication du Document final. Selon le prélat congolais, la synodalité, cette nouvelle manière d’être Eglise, est un kairos particulièrement pour l’Afrique et pour le Congo, car elle offre des nouvelles façons de résoudre ensemble des problèmes. Il clarifie aussi les malentendus autour de ses propos sur la béatification du Roi Baudoin.

Stanislas Kambashi SJ – Cité du Vatican

La deuxième session du synode sur la synodalité, commencée le 2 octobre 2024, s’est conclu ce dimanche avec la messe présidée par le Pape François dans la basilique Saint-Pierre, en présence de tous les participants. Ce temps de réflexion et de prière a réuni évêques, consacrés, laïcs, spécialistes, délégués de toutes les conférences épiscopales du monde, ainsi que des délégués fraternels. Il met ainsi fin à un processus d’écoute, de dialogue et de discernement initié par l’Eglise depuis octobre 2021 pour «renouveler sa façon d’être Eglise» dans le contexte mondial actuel, et ainsi mieux répondre à sa mission d’annoncer la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ aux hommes d’aujourd’hui. L’un des participants à ces assises était le Cardinal Fridolin Ambongo, archevêque de Kinshasa, président du Symposium des conférences épiscopales d'Afrique Madagascar (SCEAM) et membre du C9, le Conseil des cardinaux chargé de conseiller le Pape pour la réforme de la Curie Romaine. Dans un entretien accordé à Radio Vatican – Vatican News, il a souligné ce que la synodalité apportera à l’Eglise et au monde, particulièrement en terre africaine. Nous vous proposons l’intégralité de cet entretien.

Suivre le cardinal Fridolin Ambongo, archevêque de Kinshasa (RD Congo), président du SCEAM

Eminence, vous avez pris part au Synode sur la Synodalité. Au terme de ce processus de trois ans, mais aussi de ce mois intense de travail de cette seconde session. Quel sentiment vous anime? Quelles sont vos impressions?

Au terme de ce synode, étant donné qu'avec la fin de la deuxième session, nous clôturons le cycle de trois ans de célébration synodale sur la synodalité, c'est plutôt un sentiment d'immense joie, d'immense satisfaction qui m’habite. Ce synode, quand on l’annonçait, on ne comprenait pas exactement l’orientation qu’on prendrait. Mais, c'est quoi la synodalité? Est-ce que ça va apporter une révolution dans l’Église? Certains étaient rétissants à l’égard de la célébration de ce synode. Mais aujourd'hui, je dois rendre grâce à Dieu et dire aussi merci au Saint-Père, le Pape François, qui a eu cette intuition de le convoquer. Ce synode signifie tout simplement une nouvelle manière d'être Eglise. Bref, c'est avec un sentiment de satisfaction que nous clôturons la célébration de cette deuxième session du Synode.


En intervenant dans la Salle de presse du Saint-Siège il y a quelques jours, vous avez dit que le Synode a été accueilli comme un kairos pour l'Église du Congo. Pouvez-vous expliquer davantage ce que vous entendez par cela?

De façon simple, par Kairos on entend un «moment favorable». Je voulais dire, si le Synode portait sur une nouvelle manière d'être église, on peut aussi établir une liaison avec la réalité socio-politico-pastorale de mon pays. Je vois un pays qui est en difficulté sur plusieurs plans. On a des problèmes de misère économique de notre peuple, qui créent la méfiance entre les gens, des conflits entre les communautés. Parler synodalité au milieu de ces problèmes, au milieu de ces conflits, comment l'église peut continuer à être la famille pour tout le monde, malgré les problèmes auxquels telle ou telle personne, telle ou telle communauté est confrontée est alors la réponse appropriée.

Le cardinal Ambongo, avec d'autres intervenants au point de presse du mardi 22 octobre 2024, dans la Salle de presse du Saint-Siège
Le cardinal Ambongo, avec d'autres intervenants au point de presse du mardi 22 octobre 2024, dans la Salle de presse du Saint-Siège

En tant que président du Sceam, des épiscopats d'Afrique, est-ce que vous estimez que la voix de l'Afrique s'est faite entendre dans la salle du synode, que les questions importantes émanant du continent ont été prises en compte et que l'Église universelle en tiendra compte dans cette nouvelle manière d'être Église qu'est la synodalité?

L'Église d'Afrique a joué un rôle capital dans la célébration de ce synode sur la synodalité. Autrefois, quand on venait au synode, on avait parfois un peu le sentiment que le document final était déjà rédigé avant notre arrivée. Mais celui-ci, nous l'avons célébré, nous l'avons construit ensemble. Le fruit qui sort de ce synode, c’est vraiment le fruit de tout le monde. L'Afrique a apporté sa particularité en insistant sur la souffrance du peuple au niveau du continent. Les questions sociales, économiques, questions de justice entre le peuple, mais aussi entre les nations. L'Église d'Afrique a insisté aussi sur les questions de l'inculturation de l'Église, la contextualisation de l'Église. Même si nous appartenons tous à l'Église catholique universelle, chaque continent, chaque contrée a une particularité dont il faut toujours tenir compte dans l'évangélisation et je crois que cette particularité a été prise en considération par le Synode.


Vous avez été l'un des rédacteurs du Document final. Selon vous, que reflète et qu'est-ce qui caractérise ce document?

Un document limpide, un langage simple, accessible à tous. Telle a été la volonté générale de la commission de rédaction du Document final. Il faut un document qui ne soit pas trop théologique, trop intellectuel, mais un document qui, tout en gardant la densité de son contenu théologique, pastoral, ecclésiologique, reflète la simplicité. Ce document a intégré l'ensemble des préoccupations de tous ceux qui ont participé au synode. C'est vraiment un document synodal.

Le Pape François, dans la Salle Paul VI où s'est tenu la deuxième session du Synode sur la synodalité
Le Pape François, dans la Salle Paul VI où s'est tenu la deuxième session du Synode sur la synodalité

Entrevoyez-vous quelques défis ou difficultés qui pourraient se poser dans l'application de ce document dans les églises africaines?

Pour le moment, nous clôturons le synode, mais comme vous le savez aussi, le Saint-Père avait constitué des groupes d’étude pour réfléchir sur certaines questions spécifiques qui ont été posées à l’Eglise. Nous ne savons pas comment le Saint-Père va s’en servir. Les églises de chaque continent portent chacune des préoccupations propres à elles, à leurs sociétés. En tant que continent africain, nous trouverons notre compte dans le Document final, parce que tous les problèmes qui nous préoccupaient en tant qu'église d'Afrique ont trouvé leur éclairage, leur orientation. De retour en Afrique, et je l'ai déjà communiqué à tous les participants africains au Synode, nous convoquerons une assemblée continentale, peut-être après Pâques, pour étudier ensemble comment mettre en application le Synode que nous venons de célébrer.


Eminence, il y a eu un malentendu concernant votre réponse à la question d'un journaliste sur les procès de béatification du roi Baudouin. Certains ont dit que vous vous êtes opposé à la volonté du Pape. Pouvez-vous expliquer davantage ce que vous aviez dit dans la Salle de presse du Saint-Siège en répondant à ce journaliste?

J’étais surpris d'entendre tous ces commentaires qu'on fait sur ce que j'avais dit ici. Tout d’abord, qu'avais-je dit? La question m'avait été posée de savoir qu'est-ce que je pensais du message que le pape avait communiqué en Belgique et son intention d'ouvrir un procès de béatification pour le défunt roi Baudouin. Et en même temps, celui qui a posé la question a aussi mentionné le fait qu'il y a eu des réactions contre. Dans l'Église, on peut soumettre le dossier de toute personne pour une cause de béatification. Une fois que le dossier est présenté, il y a un dicastère qui est chargé des causes des saints qui va l’étudier. C'est ainsi qu’on parle de procès de béatification. Et quand on dit un procès de béatification, ça signifie non-seulement étude du dossier, mais aussi que le dossier peut ou ne pas aboutir. Dans le cas du roi Baudouin, nous savons que ce roi a été un grand catholique qui a défendu la foi catholique, surtout sur des questions de mœurs, questions morales, notamment l'avortement. Sur ce point, il a été cohérent avec sa foi. Un point de vue qui alimenterait davantage cette volonté, c’est que béatifier un politique qui a su concilier sa foi et sa charge politique, constituerait un bon témoignage pour la politique catholique d'aujourd'hui. En même temps, le processus de canonisation signifie aussi aller fouiller dans le passé de quelqu'un. Dans le cas dont nous parlons, il y a ce dossier autour de l'assassinat du premier premier ministre du Congo, Patrice Emery Lumumba qu’on ne peut pas oublier. Il appartiendra à la commission chargée d'enquêter sur sa vie, de fouiller dans cette histoire et de dire ce qui en a été. Donc, nous n'avons pas à porter un jugement sur ce qui a été, mais inviter la commission chargée à enquêter et de confirmer ou infirmer les doutes. C'est de cela qu’il s’est agi quand j’ai parlé de «tâche noire». Dans tous les cas, comme le Pape s'est prononcé en Belgique, nous sommes tous en attente de l'aboutissement du processus de béatification.

Pour conclure notre interview, Eminence, au moment où vous vous préparez pour rentrer en Afrique, quel appel lancez-vous à l’Eglise du continent Africain?

C’est une invitation à entrer dans l’espérance. Quand on voit le continent africain aujourd'hui et particulièrement mon pays, on serait tenté de croire que l'Afrique patauge dans un cercle des conflits éternels, que l’Afrique semble se complaire aux conflits. Ce synode vient nous donner cette espérance qu'il y a moyen, qu'il y a lieu de vivre autrement. Quand nous disons «Synode sur la synodalité », «nouvelle manière d'être église», notre espérance c'est que l'Afrique peut aussi se donner une nouvelle manière d'être Afrique, une nouvelle manière d'être la République démocratique du Congo, un pays ou un continent dans lequel tous les frères, toutes les sœurs se regardent comme des frères et des sœurs appartenant à une même famille.

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27 octobre 2024, 11:50