JRS Ethiopie: la santé mentale, un aspect important de l’accompagnement des réfugiés
Christian Kombe, SJ – Addis-Abeba
L'expérience des réfugiés est souvent marquée par le traumatisme, issu des violences et instabilités qui forcent des individus et familles à fuir leur foyer. Ce traumatisme peut être amplifié par les défis auxquels font face les réfugiés dans les pays d’accueil, comme le stress de s’adapter à de nouveaux environnements, les difficultés économiques et l’isolement social, expliquent dans un entretien à Vatican News, Semira Nuraddis et Nahom Birru, respectivement membre et coordinateur du programme de santé mentale et soutien psychosocial du JRS à Addis-Abeba. Si le pays accueille la deuxième plus grande population de réfugiés en Afrique après l’Ouganda, plus de 78 000 réfugiés résident à Addis-Abeba seulement.
Une gamme variée de services
Le programme de santé mentale et soutien psychosocial du JRS se concentre sur des services de santé mentale complets pour les réfugiés et la communauté hôte, avec une approche multifacette, explique Semira. «Nous offrons du counseling de groupe, du counseling individuel, de la psychoéducation, et d’autres soutiens psychosociaux pour les réfugiés, incluant la communauté hôte». En plus de ces services de base, le programme prévoit aussi des soins spécialisés, «travaillant en collaboration avec les hôpitaux pour les personnes gravement touchées par le traumatisme», souligne Nahom, le coordinateur.
Un aspect unique de l'approche du JRS est l’utilisation de bénévoles réfugiés en sensibilisation sur la santé mentale et le soutien psychosocial. «Ils sont proches des communautés des réfugiés et effectuent des évaluations pour identifier les personnes dans le besoin», souligne Semira. «Nous les formons aux premiers secours psychologiques pour qu'ils puissent soutenir leur communauté». Pour la psychologue, ces bénévoles formés sont essentiels pour orienter les personnes vers des services appropriés, qu’il s’agisse de counseling de groupe, d’un soutien individuel, ou de traitements médicaux spécialisés.
Les conversations pour le renforcement des capacités communautaires jouent également un rôle vital dans leur approche, permettant aux réfugiés et à la communauté hôte de discuter de «discuter de la manière dont ils peuvent prendre soin de leur santé mentale et se soutenir mutuellement», déclare Semira. Ces rencontres offrent une plateforme de partage d’expériences et de stratégies d’adaptation positive, favorisant un sentiment de solidarité parmi les participants.
L'impact du déplacement forcé sur la santé mentale
De nombreux réfugiés portent en eux les traumatismes de leur pays d’origine et des conflits auxquels ils ont fait face à leur arrivée en Éthiopie. «Ils ont vu beaucoup de violence, d’abus, et ont des problèmes financiers, ce qui les rend vulnérables aux problèmes de santé mentale», explique Semira. Ce contexte nécessite l’urgence d’interventions ciblées en santé mentale.
Semira et Nahom reconnaissent tous deux que si le déplacement forcé en lui-même a un impact profond sur la santé mentale, cela est d’autant plus grave pour les enfants réfugiés. «Ils sont plus affectés que les adultes face à ces événements de vie», note le coordinateur du programme de santé mentale et de soutien psychosocial. Pour y répondre, le JRS propose des services spécialisés adaptés aux enfants, incluant des séances d’art et de musique qui servent à la fois d’outil thérapeutique et de développement des compétences sociales. «Nous avons des activités artistiques qui font partie de la thérapie», souligne Nahom, mettant en avant leur double rôle dans la guérison et le développement des compétences.
Le Service jésuite des réfugiés reconnaît également les effets du traumatisme sur les dynamiques familiales et propose des formations pour aider les parents à comprendre et soutenir leurs enfants, explique le coordinateur du programme. «Nous offrons des formations en compétences parentales et en soutien psychosocial de base pour les parents». Cette approche holistique garantit que les enfants et leurs parents disposent des outils pour faire face aux défis du déplacement, créant ainsi un environnement favorable à la guérison.
Interventions adaptées et psychoéducation
Les approches thérapeutiques employées par le JRS sont variées et adaptées aux besoins uniques des réfugiés. «Nous essayons de les atteindre à leur niveau, en utilisant des techniques simples en raison des barrières linguistiques et culturelles», explique Semira, soulignant que le programme utilise une combinaison d’approches humanistes et de thérapie cognitivo-comportementale.
Pour Nahom, cette flexibilité est cruciale, car elle permet à l’équipe d’ajuster ses méthodes en fonction des circonstances individuelles, en mettant l’accent sur une approche centrée sur la personne. En outre, le JRS accorde une grande importance à la psychoéducation, considérée comme un élément central du cadre de soutien proactif, pour aider les individus à comprendre les questions de santé mentale et les stratégies de prévention. «Quand on sait ce qu’est un problème de santé mentale, on peut le prévenir», insiste Semira.
Défis persistants
Mais fournir un soutien en santé mentale et psychosocial aux réfugiés dans la ville cosmopolite est-africaine ne va pas sans défis importants, principalement en raison du manque de connaissances au sein de la communauté concernant la santé mentale, explique Nahom Birru. Nombre de réfugiés ignorent que les problèmes de santé mentale peuvent être traités, ce qui les amène à souffrir en silence jusqu’à ce que leurs problèmes deviennent graves, déplore le coordinateur du programme. Le JRS s’engage activement dans des campagnes de sensibilisation, collaborant avec des leaders communautaires et des bénévoles pour diffuser des informations sur la santé mentale et les services disponibles.
De plus, pour le coordinateur du programme de santé mentale et de soutien psychosocial, il existe un écart notable dans le soutien global fourni aux enfants par rapport aux adultes. Ces derniers reçoivent souvent uniquement du counseling en santé mentale, tandis que les enfants bénéficient de services complets à travers les programmes de protection de l'enfance. Cette incohérence souligne le besoin de services intégrés répondant aux besoins uniques des adultes réfugiés.
Par ailleurs, des problèmes logistiques et économiques compliquent la prestation des services, ajoute Semira. Les réfugiés vivent souvent dans des zones éloignées, dans la périphérie de la capitale éthiopienne, ce qui rend difficile l'accès à un suivi continu en counseling, déplore la psychologue. Bien que des visites à domicile régulières soient effectuées pour offrir un soutien, ces efforts sont insuffisants compte tenu des conditions de vie alarmantes auxquelles beaucoup sont confrontés, comme la promiscuité et une sécurité limitée, en particulier pour les femmes. Les défis socio-économiques, tels que la pauvreté, le manque de logements adéquats, et les barrières linguistiques, perpétuent les problèmes de santé mentale, rendant difficile l'obtention d'améliorations durables, ajoute-t-elle.
Mettre d’avantage l’accès sur la santé mentale et le soutien psychosocial
Malgré ces défis, Nahom et Semira restent optimistes quant à l’avenir du soutien en santé mentale pour les réfugiés au sein du JRS. Semira souligne l'importance d'une sensibilisation accrue. «J’aimerais que les gens sachent davantage sur les problèmes de santé mentale et comment y faire face», déclare la psychologue, encourageant un élargissement de la réflexion et de l’action de l’organisation vers les causes profondes des problèmes de santé mentale, y compris les problèmes financiers et socio-économiques qui impactent significativement la qualité de vie des réfugiés.
Quant à Nahom, qui partage également ce sentiment, il encourage les bailleurs de fonds à allouer davantage de ressources aux aspects mentaux et psychosociaux du soutien aux réfugiés. «Si nous pouvions étendre nos services, ce serait très important pour la communauté réfugiée», espère-t-il.
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