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Photo d'illustration de quelques évêques kenyans. Photo d'illustration de quelques évêques kenyans. 

Les évêques kenyans appellent leurs compatriotes à rétablir l'espoir

Restaurer la paix sociale et renforcer la gouvernance dans le pays. C’est l’appel pressant lancé par la Conférence des évêques catholiques du Kenya. Dans un communiqué rendu public jeudi 14 novembre, l’épiscopat dénonce une série de dérives politiques et économiques qui affectent la vie quotidienne des Kenyans. La situation actuelle génère un climat de méfiance, où de nombreux citoyens se sentent abandonnés et sans recours, ont clamé les évêques.

Fabrice Bagendekere, SJ - Cité du Vatican

«Que le Dieu de l'espérance vous remplisse de joie et de paix dans la foi, afin que vous abondiez dans l'espérance par la puissance de l'Esprit Saint» (Rm 15, 13). Telle est la référence à laquelle les évêques kenyans doivent leur adresse faisant état de la situation socio-politique de leur pays, dans un climat plutôt préoccupant. Cette situation est due à une suite d’événements ayant mis en scène un bras de fer entre la population et le gouvernement d’une part, et les querelles politiques au sein du gouvernement d’une autre part.

Tout en dénonçant les différents maux qui alimentent cette anxiété, les évêques invitent chacun des acteurs à travailler pour «rétablir l’espoir» dans leur pays. Il s’agit notamment de dégarnir les sentiments de violence et de division alimentés par les divergences au sein de la classe politique.

La paix, une aspiration majeure de tous les Kenyans  

Le climat général au Kenya depuis son indépendance n’a pas été marqué par de très grandes violences. Tout en appréciant cette situation, les évêques ne tiennent pas pour acquis cette tranquillité, conscients des «conflits politiques grandissants dans le monde et des dissensions internes dans plusieurs africains».  Voilà pourquoi, d’entrée de jeu, les évêques ont manifesté leur reconnaissance à «tous les kényans qui restent pacifiques et actifs dans un engagement économique utile et dans l'approfondissement de [la] démocratie». De façon particulière, les prélats kenyans ont remercié leur gouvernement pour les efforts qu'il déploie afin de «garantir le maintien de la paix» qui, selon eux, est «une aspiration majeure de tous les Kényans».

Par ailleurs, les prélats ont affirmé être conscients d’être encore «loin de parvenir à un ordre total dans nos affaires». Sur ce, se sont-ils engagés à continuer à «prier pour la paix et la stabilité à l'intérieur de leurs frontières», sans oublier toutes les personnes vivant dans «des environnements instables dans de nombreuses parties du monde». Par la même occasion, les évêques kenyans ont exprimé leurs préoccupations, qu’ils disent graves, concernant le climat politique troublant qui s'est emparé de leur pays, s’indignant du silence du gouvernement face aux nombreuses déclarations qu’ils ont faites dans un passé récent.  Selon les prélats, «malgré le calme qui est revenu, il y a beaucoup d'anxiété au Kenya et la plupart des gens perdent confiance dans le gouvernement».


Des frustrations non encore éteintes

Dans leur déclaration, les évêques kenyans ont faits 6 observations et préoccupations sur la situation générale de leur pays à son état actuel. Selon eux, ces interrogations doivent trouver des réponses pour espérer un heureux dénouement à cette situation. Il s’agit premièrement du climat général de frustration qui s’observe actuellement dans leur pays. Cette situation, affirment les prélats, est due aux querelles politiques au sein du gouvernement qui, selon eux, «ont généré des tensions injustifiées et aggravé les divisions au sein de [leur] peuple». Ils associent à cet état des choses, le «climat de méfiance parmi les citoyens et au sein du gouvernement lui-même».

Dans le même angle, l'épiscopat kenyan dénonce les violations des Droits de l'homme et de la liberté d'expression qui se multiplient dans leur pays. Il fait notamment référence aux «incidents flagrants et récurrents d'enlèvements, de disparitions, de tortures et d'assassinats», à la suite des manifestations de juin 2024. Les évêques du Kenya signalent aussi «l'augmentation des meurtres de femmes» et rappellent au gouvernement son devoir de protéger la vie de toute personne humaine au Kenya, conformément à l’article 26 de la Constitution du pays.

Les évêques du Kenya s'adressant aux médias à Naïrobi
Les évêques du Kenya s'adressant aux médias à Naïrobi

La corruption et le non-respect de la parole donnée

Un autre angle qui se constitue de ces observations concerne la situation morale du politique Kenyan. Les prélats pointent la «corruption et politique d'intérêt personnel». Ils disent être troublés par «l'insensibilité et l'irresponsabilité accrues dont [les dirigeants] font preuve dans l'accomplissement de leurs tâches, en se laissant capturer et compromettre dans des affaires de corruption». Dans la corruption, les évêques ne voient pas seulement les avantages financiers, mais toute «utilisation injuste d'une position et d'une autorité, ou l'abus d'une fonction». Selon les prélats, la cupidité massive, dont ils sont témoins, est choquante et déchirante.

Une autre remarque allant dans cette optique est le non-respect des promesses faites et la culture du mensonge de la part des élus. L'épiscopat kenyan dit être consterné que «la culture du mensonge remplace rapidement l'intégrité et le respect que les Kenyans méritent». Fondamentalement, il s’agit du fait que le gouvernement se réserve le monopole de la vérité.  Les prélats regrettent aussi le fait que la population se soient montrée impuissante et ait toléré les mensonges qui leur sont racontés. Les évêques invitent donc les concitoyens les Kenyans à «apprendre à ne pas applaudir ou valider les mensonges…,plutôt se résoudre à rechercher la vérité et à se laisser guider par elle».


Une politique en défaveur de la population

L’épiscopat kenyan dénonce, en outre, la mise en place d’un programme pour prolonger le mandat des dirigeants élus. Il s’agit essentiellement du «projet de loi proposant qu’une extension du mandat de cinq ans à sept ans soit envisagée». Cette proposition soumise par le sénateur Samson Cherargei avait suscité de l’indignation même au sein de son camp politique. Selon les prélats, une limite de deux mandats pour dix ans, comme le prévoit leur constitution actuelle, «laisse amplement le temps à tout dirigeant politique visionnaire de laisser un héritage solide s'il est performant ».Les évêques disent s’interroger sur «les motivations qui sous-tendent cet agenda et sur les intérêts à long terme qu'il sert ».

Evoquant aussi la surtaxe que subit actuellement la population kenyane, les évêques disent être préoccupés par «la myriade de nouveaux régimes fiscaux qui ne cessent d'apparaître jour après jour» dans leur pays. A leurs yeux, cela semble «une façon cachée de réintroduire le projet de loi de finances 2024 qui [avait] été rejeté ». Par ailleurs, les prélats rappellent au gouvernement «la nécessité de faire bon usage de toutes les recettes collectées et de vivre selon ses moyens».

 

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18 novembre 2024, 13:33