Le Pape François et le multilatéralisme nécessaire
Olivier Bonnel - Cité du Vatican
Crise climatique, tensions régionales, multiples conflits gelés ou sur le point d'exploser, auxquels se sont ajoutés une pandémie mondiale: les occasions pour le Pape François ont été nombreuses ces derniers mois pour prendre la parole et raviver l'importance du multilatéralisme dans la résolution des crises.
Dans un tweet publié ce samedi sur son compte @Pontifex, le Pape François explique qu'«Aucun peuple, aucun groupe ne sera en mesure d'atteindre tout seul la #paix, le bien, la sécurité et le bonheur. La leçon de la récente pandémie est la prise de conscience que nous sommes une communauté mondiale naviguant sur le même bateau».
Si la diplomatie du Saint-Siège et des Papes a toujours privilégié l'appel au dialogue et à la collaboration entre les peuples, les bouleversements dans la diplomatie mondiale de ces dernières années ont conduit François à insister de façon particulière sur ce nécessaire multilatéralisme.
Une conviction concrétisée dans son message enregistré à l'occasion du 75 ème anniversaire de l'ONU, le 25 septembre dernier : «Nous sommes donc face à un choix entre deux voies possibles : l’une conduisant au renforcement du multilatéralisme, expression d’une coresponsabilité mondiale renouvelée, d’une solidarité fondée sur la justice et sur la réalisation de la paix et de l’unité de la famille humaine, projet de Dieu sur le monde, expliquait-t-il, l’autre voie favorisant les attitudes d’autosuffisance, de nationalisme, d’individualisme et d’isolement, délaissant les plus pauvres, les plus vulnérables», cette dernière vision, précisait-il «ne devant pas l'emporter».
Une inflexion dans le discours
Signe de l'aggravation de la crise de la politique internationale ces dernières années, le terme de «multilatéralisme» n'apparaît dans la bouche du Pape que depuis 2019 et son discours de vœux au corps diplomatique accrédité près le Saint-Siège, le 7 janvier. François fait notamment allusion au centenaire du Traité de Versailles, le 28 juin 1929, qui donna naissance à la Société des Nations. Une SDN entrée en crise en raison des «solutions unilatérales et, en dernière instance, l’oppression du plus fort sur le plus faible» regrettait-il.
«Les relations au sein de la communauté internationale et le système multilatéral dans sa complexité traversent des moments difficiles, avec la réémergence des tendances nationalistes, qui minent la vocation des Organisations internationales à être un espace de dialogue et de rencontre pour tous les pays» notait le Pape lors de ce même discours.
L'apparition de la pandémie de Covid 19 a renforcé les déséquilibres régionaux, affaibli des États incapables de répondre à l'urgence sanitaire et profondément accru les inégalités. Elle a aussi fait passer au second plan des urgences bien plus anciennes comme la famine qui menace aujourd'hui 34 millions de personnes. Aux yeux du Pape et du Saint-Siège, le multilatéralisme est donc aujourd'hui plus que nécessaire.
Le soutien à l'ONU
Face aux attaques subies par les Nations-Unies, en particulier lors du mandat du président américain Donald Trump, le Pape et le Saint-Siège à sa suite n'ont cessé de réaffirmer l'importance de cette structure multilatérale indispensables pour la diplomatie. En octobre 1965, Paul VI s'était rendu au palais de verre à New York pour les vingt ans de l'ONU pour y prononcer un discours resté historique. Il y expliquait déjà que l'objectif onusien «n'est pas seulement pour conjurer les conflits entre les Etats mais pour rendre les Etats capables de travailler les uns pour les autres».
Le 23 mars 2020, le Secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres lançait un appel à un «cessez-le feu mondial», afin de se concentrer sur le «véritable combat», celui contre le Covid 19. Un appel vite relayé au Vatican par le Pape, qui saluait une démarche «louable» et souhaitait qu'elle devienne «un premier pas courageux vers un avenir de paix». Si les armes ne se sont pas tues, la volonté est toujours la même.
Contre la tentation du plus fort et le repli nationaliste doit résonner plus que jamais la voix de la paix et du dialogue. François rappelle ainsi à temps et à contretemps la nécessité de retrouver les vertus de la diplomatie internationale, fondée sur le droit, comme il le soulignait dans son encylique Fratelli Tutti: «Il faut du courage et de la générosité pour établir librement certains objectifs communs et assurer le respect dans le monde entier de certaines normes fondamentales. Afin que cela soit réellement utile, on doit observer « l’exigence de respecter les engagements souscrits – pacta sunt servanda – de telle sorte qu’on évite « la tentation de recourir au droit de la force plutôt qu’à la force du droit ». Un appel à la responsabilité dans un monde interconnecté et où chaque pays ne saurait faire fi de ses voisins, proches ou lointains.
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