L’humanité passe avant tout, rappelle le Pape à Malte
Xavier Sartre – Malte
Malte, «cœur de la Méditerranée», au carrefour des vents qui battent cet archipel à la croisée des routes maritimes. Le Pape François, dans son discours aux autorités maltaises et au corps diplomatiques au sein du palais présidentiel, le palais des Grands Maîtres, a utilisé l’image de la rose des vents pour évoquer les «quatre influences essentielles à la vie sociale et politique» du pays.
Il y a d’abord le vent du Nord qui vient de l’Europe, de «la maison commune qu’est l’Union européenne» qui permet de vivre «unis afin de préserver la paix». «La paix suit l’unité et en découle», ce qui doit nous rappeler «de faire passer la cohésion avant la division, de renforcer les racines et les valeurs communes qui ont forgé l’unité de la société maltaise».
Les plaies de la société maltaise
François évoque alors quelques maux qui caractérisent Malte: «l’illégalité et la corruption». «Il faut renforcer les fondements de la vie commune, basée sur le droit et la loi», souligne le Pape avant de poursuivre: «L’honnêteté, la justice, le sens du devoir et la transparence sont les piliers essentiels d’une société civilement avancée». «Que le droit et la transparence soient toujours cultivés, car ils permettent d’éradiquer les brigandages et criminalité».
Autre caractéristique de l’île qui saute aux yeux quand on y circule: la fièvre immobilière. Afin de protéger l’environnement, il faut le préserver de «l’avidité insatiable, de l’appétit d’argent et de spéculation immobilière qui compromettent non seulement les paysages, mais aussi l’avenir» assène-t-il. Et de préciser qu’au contraire, c’est «la protection de l’environnement et la justice sociale» qui «préparent l’avenir».
Protéger la vie
Le vent d’Ouest, largement positif, comporte cependant quelques risques dont il faut se prémunir afin que «la soif de progrès ne conduise pas à un détachement des racines». Pour obtenir un sain développement, Malte, qualifié par le Saint-Père de «laboratoire de développement organique», doit «préserver la mémoire» et «tisser respectueusement l’harmonie entre les générations, sans se laisser prendre par les approbations artificielles et les colonisations idéologiques».
Le Pape rappelle la centralité de la personne humaine, le respect de la vie et de la dignité de chacun. François encourage alors les Maltais à «continuer à défendre la vie de son début jusqu’à sa fin naturelle, mais aussi à la protéger à tout moment contre le rejet et le mépris». Et d’évoquer les travailleurs, les personnes âgées et les malades, les jeunes également, confrontés aux «mirages qui laissent un si grand vide en eux», provoqués par «le consumérisme exacerbé, la fermeture aux besoins des autres et le fléau de la drogue qui étouffe la liberté en créant la dépendance».
L’autre n’est pas un virus
Du Sud, le Pape évoque les frères et sœurs «en quête d’espérance» et remercie Malte de les accueillir, malgré le «découragement» et «frustation» nés des «craintes» et des «insécurités». François souligne un fait: «le phénomène migratoire n’est pas une circonstance du moment mais il marque notre époque». Nous payons les conséquences des «dettes des injustices passées, des exploitations, du changement climatique, des conflits aventureux» explique-t-il, et rien n’y changera, surtout pas «les fermetures anachroniques». Pas d’intégration ni de prospérité dans l’isolement !
Revenant sur un des aspects majeurs qui a caractérisé la crise migratoire en Méditerranée ces dernières années, le Pape a fustigé «l’indifférence» des pays qui ne participent pas à la prise en charge des migrants et les «accords obscurs avec des criminels qui asservissent des personnes pour leurs propre bénéfice». Il espère au contraire «une coresponsabilité européenne» afin que la Méditerranée redevienne «le théâtre de la solidarité» et non «l’avant-poste d’un tragique naufrage de la civilisation».
«L’humanité passe avant tout, est première sur tout» s’exclame le Pape qui invite à élargir nos cœurs et à redécouvrir la beauté de servir ceux qui sont dans le besoin. «Aidons nous à ne pas voir le migrant comme une menace et à ne pas céder à la tentation d’installer des pont-levis et d’ériger des murs. L’autre n’est pas un virus dont il faut se défendre mais une personne à accueillir», invite le Saint-Père. Et d’exhorter: «ne laissons pas l’indifférence éteindre le rêve de vivre ensemble».
Redonner de la beauté au visage de l’homme défiguré par la guerre
Il y a enfin le vent d’Est. Et là, le Pape ne pouvait pas manquer d’évoquer «les ténèbres de la guerre», le conflit en Ukraine. L’occasion de fustiger «quelques puissants, tristement enfermés dans leurs prétentions anachroniques d’intérêts nationalistes» qui «provoquent et fomentent des conflits».
Dans ce contexte, «Malte (…) peut nous inspirer car il est urgent de redonner de la beauté au visage de l’homme défiguré par la guerre». Les femmes ont un rôle à jouer, estime le Pape puisqu’elles sont «la véritable alternative à la logique contre-nature du pouvoir qui conduit à la guerre». Nous n’avons pas besoin de «visions idéologiques» mais de «compassion et d’attention», et de «redéfinir les règles d’une mesure où l’homme laissé au délire et à la démesure puisse se reconnaître».
François regrette les grands investissements dans les achats d’armes qui ont pris le pas sur la recherche de solutions aux problèmes communs, comme la faim et les inégalités. «La solution aux crises de chacun consiste à s’occuper de celles de tous, car les problèmes mondiaux appellent des solutions mondiales», rappelle-t-il.
Le Saint-Père n’oublie pas le Proche-Orient: Malte est la preuve que l’on peut vivre dans «une sorte de convivialité des différences». «Que Malte, cœur de la Méditerranée, continue à faire palpiter l’espérance, le soin de la vie, l’acceptation des autres, l’aspiration à la paix», a-t-il conclu.
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