6 juin 1944: Ruiner la paix, «une faute devant l’Histoire, un péché devant Dieu»
Marie Duhamel – Cité du Vatican
Aux côtés des responsables politiques, l’Église catholique fait mémoire du D-Day, quand quelque 156 000 hommes, essentiellement américains, britanniques et canadiens participèrent à l’opération Neptune de débarquement sur les plages de Normandie, ouvrant un nouveau front à l’ouest contre les troupes allemandes et permettant in fine la libération de la France et de l’Europe.
Des messes seront célébrées jeudi matin à 7h30 sur plusieurs plages des cinq secteurs du débarquement, tandis que sur celles d’Utah et Omaha Beach se dérouleront les commémorations en présence du roi Charles III, des présidents américain, français, ukrainien et du chancelier allemand.
Dès ce soir, en la cathédrale de Bayeux, des évêques français, des pays alliés et d’Allemagne assisteront avec des représentants des Églises anglicane, protestante unie, orthodoxe et évangélique, à une célébration œcuménique à 19 heures, en présence également de vétérans. Le Pape François dit s’unir à l’assemblée, par la pensée et la prière, dans une lettre adressée à l’évêque de Bayeux-Lisieux, Mgr Jacques Habert qui présidera l’office.
Le prix de la liberté
«Nous avons en mémoire le souvenir de ce colossal et impressionnant effort collectif et militaire accompli pour obtenir le retour à la liberté», écrit François soucieux de rappeler le coût de cet effort. Il évoque les immenses cimetières où s’alignent des milliers de tombes, celles de soldats «très jeunes pour la plupart, et, pour beaucoup, venus de loin, qui ont héroïquement donné leur vie, permettant ainsi la fin de la Seconde Guerre Mondiale et le rétablissement de la paix». François mentionne aussi l’image «effroyable» de ces villes de Normandie «complètement dévastées» par de «terribles» bombardements: Caen, Le Havre, Saint-Lô, Cherbourg, Flers, Rouen, Lisieux, Falaise, Argentan, et tant d’autres. François fait mémoire «des innombrables victimes civiles innocentes et de tous ceux qui ont souffert».
Se souvenir et condamner
«Plus jamais la guerre!», dans sa lettre, François fait sien le cri de saint Paul VI à la tribune de l’Onu, le 4 octobre 1965. Il juge «inutile et hypocrite» de faire mémoire du débarquement et, plus généralement, du désastre qu’a représenté l’«épouvantable conflit mondial» sans le condamner et le rejeter «définitivement». Or, le Pape constate «avec tristesse» que si durant plusieurs décennies, le souvenir des erreurs du passé a soutenu la ferme volonté de tout mettre en œuvre pour éviter qu’un nouveau conflit mondial ouvert se produise, il n’en est plus de même aujourd’hui. «Les hommes ont la mémoire courte. Puisse cette commémoration nous aider à nous la faire retrouver!»
80 ans après l’opération Neptune qui coûta, à elle seule, la vie à plus de 15 000 soldats, le Saint-Père exprime son inquiétude face à la situation actuelle. Il juge «inquiétant que l’hypothèse d’un conflit généralisé soit parfois de nouveau sérieusement prise en considération» mais aussi que «les peuples soient peu à peu familiarisés à cette éventualité inacceptable». Les peuples veulent la paix, s’exclame François qui se fait l’écho de leur souhait de vivre dans des conditions de stabilité, de sécurité et de prospérité, un contexte «où chacun puisse accomplir sereinement son devoir et sa destinée». Le Pape met en garde ceux qui voudraient détruire cet équilibre: «Ruiner ce noble ordre des choses pour des ambitions idéologiques, nationalistes, économiques est une faute grave devant les hommes et devant l’histoire, un péché devant Dieu».
Prier pour ceux qui veulent la guerre...
S’en suivent plusieurs intentions de prière. Le Pape appelle l’assemblée réunie dans la cathédrale de Bayeux à prier tout d’abord pour les hommes qui veulent les guerres, «qui les déclenchent, les attisent de manière insensée, les entretiennent et les prolongent inutilement, ou en tirent cyniquement profit». Il souhaite que Dieu éclaire leurs cœurs et mette devant leurs yeux «le cortège de malheurs qu’ils provoquent».
...mais aussi pour les artisans de paix
Le Pape invite également à prier pour les artisans de paix sur lesquels on porte parfois un jugement «sévère et injuste», alors que vouloir la paix n’est «pas une lâcheté, mais demande au contraire le plus grand courage, celui de savoir renoncer à quelque chose». Le Pape prie pour qu’ils sachent ouvrir des chemins pacifiques de rencontres et de dialogue, «s’opposant aux logiques implacables et obstinées de l’affrontement». Il prie pour que leur persévérance soit couronnée de succès.
Enfin, en ce jour de commémorations, le Pape prie pour les victimes des guerres passées et présentes. «Que Dieu accueille auprès de Lui tous ceux qui sont morts dans ces terribles conflits, qu’Il vienne au secours de tous ceux qui en souffrent aujourd’hui». François pense en particulier aux pauvres, aux faibles, aux personnes âgées, aux femmes et aux enfants qui sont toujours les premières victimes de ces tragédies.
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