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Attaque de l'armée soudanaise des positions tenues par les paramilitaires FSR, les Forces de soutien rapide, dans la capitale soudanaise, le 12 octobre 2024. Attaque de l'armée soudanaise des positions tenues par les paramilitaires FSR, les Forces de soutien rapide, dans la capitale soudanaise, le 12 octobre 2024.  (AFP or licensors) Les dossiers de Radio Vatican

Le Soudan dévasté par une «guerre oubliée»

Ce sont plus de 70 personnes qui ont perdu la vie récemment en deux jours au Soudan, où s’affrontent l’armée et les paramilitaires FSR, les Forces de soutien rapide. Des secouristes ont trouvé au moins vingt corps carbonisés, dont ceux de quatre enfants et deux femmes, après un raid aérien de l'armée mardi sur Khartoum, la capitale. Pour Roland Marchal, chercheur au CERI de Sciences Po Paris, spécialiste du Soudan, cette guerre Soudan «n’a pas un traitement médiatique très privilégié».

Entretien réalisé par Myriam Sandouno - Cité du Vatican 

Dans ce conflit qui a fait plus de 150 000 morts depuis son déclenchement, et plus de 10 millions de déplacés, deux généraux, le général Abdel Fattah al-Burhan, chef des Forces armées soudanaises (FAS), et le général Mohamed Hamdan Dagalo, dit "Hemedti", leader des FSR, se disputent le pouvoir depuis le 15 avril avril 2023. Aujourd’hui, constate Roland Marchal, chercheur au CERI de Sciences Po Paris, «l’armée soudanaise est à l’offensive, et semble aller de l’avant. Il y a un an c’était les FSR qui avaient réussi à marquer un ascendant très nette dans l’Est». Mais, estime le spécialiste du Soudan, «il faut être extrêmement prudent pour la suite».

Les armes 

La question du flux constant des armes vers le Soudan reste au cœur des préoccupations. Le 11 septembre dernier, le Conseil de sécurité de l’ONU a prolongé l’embargo sur les armes à destination du Darfour, dont les violations sont régulièrement dénoncées. Malgré cela, les deux camps ne manquent pas d’armes et bénéficient d’aides militaires extérieures. Selon un rapport d’Amnesty International publié en juillet dernier, «des armes et des munitions récemment fabriquées ou transférés, provenant de pays tels que la Chine, les Émirats arabes unis, la Russie, la Serbie, la Turquie et le Yémen, sont importées en grande quantité au Soudan, puis dans certains cas détournés vers le Darfour».


Pour Roland Marchal, «on est face à une guerre qui n’est pas une guerre de pauvres», vu «cette sophistication des affrontements avec des équipements qui sont plus complexes, des drones de qualité élémentaire ou beaucoup plus sophistiqués». Dans cette guerre fratricide, le Tchad est accusé de servir de pays de transit pour les armes et munitions expédiées par les Émirats arabes unis aux FSR. Accusation que rejette catégorique N’Djamena.

«Une guerre oubliée»

Le Soudan vit ainsi l’une des plus graves crises humanitaires selon l’ONU. Des experts des Nations unies accusent les belligérants d’utiliser des tactiques de famine visant à affamer 25 millions de civils au Soudan. La situation actuelle est «catastrophique», dans ce troisième plus grand pays d’Afrique après l’Algérie et la République démocratique du Congo. Les tentatives de médiations internationales peinent à avancer, et nombres d’observateurs parlent d’une «guerre oubliée» et peu «médiatisée». Ce conflit au Soudan «n’a pas un traitement très privilégié», affirme Roland Marchal. «On en parle un peu», poursuit-il, «alors qu’en termes de chiffres, l’ampleur des déplacements de populations, l’ampleur des besoins humanitaires devrait en faire sans doute la première page des journaux», estime le spécialiste du Soudan.


24 octobre 2024